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2021-06-29 07:48

Le Parisien

Le cornichon français fait son retour en Alsace

Le fabricant alsacien de condiments Alélor mise sur la vague du circuit court et relance la culture du cornichon dans sa région.

 
Claire GANDANGER - 29 juin 2021 à 07:48 
 
 

Cinq ans que le maraîcher bio Pierre Maurer n’avait plus vu ça dans ses champs de Dorlisheim (Bas-Rhin). Ses plants de cornichons ont déjà bien mûri à la chaleur continentale alsacienne. D’ici quelques jours, ses saisonniers vont commencer la cueillette, « à la main, au ras du sol, à plat ventre sur une machine unique en France qui avance à 100 m à l’heure », explique-t-il. L’agriculteur avait renoncé aux cornichons dans les années 1990, face à la concurrence des pays de l’Est non soumis au salaire minimum. « J’ai d’abord ouvert une ferme en Slovaquie, puis j’ai abandonné », se souvient-il. Depuis, l’Inde et la Turquie ont raflé la culture du légume-apéro.

 

Pour Alain Trautmann, PDG de l'entreprise agro-industrielle alsacienne Alélor, les consommateurs sont mûrs pour le cornichons français. LP/Claire Gandan

 

Mais cette année, le fabricant de condiments alsacien Alélor a retrouvé son ancien partenaire – sans délaisser pour l’heure ses principaux fournisseurs allemands. Pour cette campagne test, la ferme Maurer va produire 150 tonnes de cornichons sur 5 hectares dédiés. Le double l’année prochaine. Alélor prévoit d’écouler 50 000 bocaux à partir de septembre, dans la grande distribution en Alsace, dans le réseau français des magasins bio et dans ses épiceries fines. « Les Français consomment 30 000 tonnes de cornichons par an, calcule Alain Trautmann, président-directeur général d’Alélor. On estime que ce marché pourrait absorber 10 000 tonnes de cornichons français dans les prochaines années."

 

De la fraîcheur et du croquant

 

Bien sûr, la production locale a un prix. Un bocal de cornichons bios alsaciens sera vendu 8€. Pierre Maurer ne se fait pas de soucis : "On a toujours pu compter sur le chauvinisme des Alsaciens", s'amuse-t-il, avant de vanter la fraîcheur de son produit. "Nos cornichons seront mis en bocaux, encore croquants, dans les trois jours qui suivent la récolte, ils ne seront pas stockés en saumure." Les deux partenaires savent surtout que leurs ambitions collent à l'époque : "On revient aux valeurs du circuit court et de la proximité. Les consommateurs prennent la mesure de leur responsabilités sociétales et environnementales. Et ça s'est accentué avec les confinements", défend Alain Trautmann. "D'ailleurs, beaucoup ont découvert dans les médias les terribles conditions d'exploitation du cornichon en Inde." 

Alélor n'en est pas à son coup d'essai. En 2008, l'entreprise de Mietesheim avait déjà réintroduit la culture de la moutarde en Alsace. La filière fédère aujourd'hui 15 agriculteurs locaux. La ferme Maurer et Alélor ont sollicité le fonds de relance pour monter une usine de transformation des cornichons au pied des champs. En attendant de savoir si l'Etat va suivre leur intuition, un défi attend les ambassadeurs du cornichon alsacien : les recettes aigres-douces d'Alélor, dans la tradition germanique, tranchent avec l'extra-fin au vinaigre imposé par les leaders du marché français. "Aujourd'hui, c'est vrai que cette culture est installée, mais il y a de la place pour d'autres cornichons", veut croire Alain Trautmann. En Alsace, les agriculteurs y croient et plusieurs demandent déjà à se joindre à l'aventure.

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