Accueil > On parle de nous > Hausse des prix dans l’agroalimentaire : « L’objectif n’est pas de gagner plus, mais de passer la vague »

2023-03-27 06:00

DNA - Les Dernières Nouvelles d'Alsace

 

Les producteurs alsaciens de l’agroalimentaire ont terminé fin février des négociations annuelles particulièrement tendues. Ils se satisfont globalement des hausses tarifaires obtenues auprès de la grande distribution, de l’ordre de 10 % en moyenne, et insistent sur leur caractère indispensable.

 

Hélène DAVID et Xavier THIERY - 27 mars 2023 à 06:00 | mis à jour le 27 mars 2023 à 15:43 - Temps de lecture : 5 min

 

Ilustration : L’an dernier, en raison de la pénurie, Alélor a vu le prix de la tonne de graines de moutarde multiplié par 3,5.   Photo archives DNA /Michel Frison

 

« Tendues », « rudes », « dures ». Ainsi sont qualifiées les négociations annuelles avec la grande distribution, achevées fin février , par plusieurs producteurs alsaciens interrogés. Si la crise inflationniste a mis ces discussions sur le devant de la scène ces dernières semaines, la séquence reste voilée d’un certain mystère. « Nous ne tenons pas à être associés au phénomène de hausse des prix dans l’esprit du consommateur », oppose par exemple un acteur alsacien.

D’autres réclament l’anonymat. « Nous sommes dépendants de la grande distribution », motive l’un d’eux dans le secteur de la transformation de charcuterie. Difficile de mordre la main qui nourrit. Mais « ça a été une des pires années », confie-t-il, décrivant « une marge de négociation de plus en plus faible ».

 

Hausse généralisée des prix des matières premières


« Nous [les producteurs], on se bat pour augmenter nos tarifs et les distributeurs se battent pour baisser le plus possible les prix qu’ils affichent », résume Nicolas Schulé, président des Cafés Sati. On comprend que les négociations aient été « tendues ». En l’occurrence, « il a fallu faire des concessions, mais ça aurait pu être pire », livre Nicolas Schulé, qui décrit « des hausses justifiées, indispensables à la pérennité de l’entreprise ».

Ces trois dernières années, pour le torréfacteur strasbourgeois, les augmentations tarifaires successives obtenues auprès des distributeurs correspondent à une hausse de l’ordre de 30 %. Sur la même période, le cours du café a pris 80 %. Hausse à laquelle il convient d’ajouter celles de l’énergie, du carton, de l’emballage, de la colle, du transport… Et « la plus forte hausse de salaire jamais consentie dans l’entreprise » qui, bien que « tout à fait légitime », pèse aussi sur les charges.

 

Des négociations indispensables


Pour Alain Trautmann, PDG de l’entreprise familiale Alélor, fabricant de moutardes, de raiforts et de mayonnaises basé à Mietesheim (Bas-Rhin) , la bataille que constituent les négociations annuelles avec les centrales d’achat de la grande distribution, s’est soldée cette année par une quasi-victoire : « On avait proposé une hausse de 5 % sur nos produits et on a finalement obtenu 4 % avec application dès le 1er  mars, ce qui nous convient ».

Par rapport à janvier 2022, selon les produits concernés, la hausse pour Alélor varie de 16 à 18 %. « Nous avons négocié deux augmentations l’an dernier, une en début d’année, l’autre en juin. Hormis les discounters, l’ensemble des enseignes de distribution répercute généralement les hausses consenties aux fournisseurs sur les prix de vente en rayon ».

« Le verre, les capsules et le carton ont augmenté de 30 à 50 % depuis un an »
L’industriel justifie notamment ces évolutions tarifaires par l’augmentation du coût des matières premières. « La graine de moutarde, dont le marché a été affecté par une pénurie mondiale l’an dernier, a vu son prix grimper de 800 à 3 000 euros la tonne. Le prix de l’huile de tournesol, qui est en baisse depuis le début de l’année, a pour sa part enregistré une augmentation 50 % ».

À cela s’ajoute la hausse du prix des emballages : « Le verre, les capsules et le carton ont augmenté de 30 à 50 % depuis un an. Actuellement, leurs prix sont stabilisés mais l’incertitude est de mise pour le verre, dont la fabrication nécessite beaucoup d’énergie », relève l’industriel. Sa facture électrique, enfin, a également fait un bond : « Notre contrat de fourniture date de 2021 et court jusqu’en 2024. La hausse s’avère donc minime, de l’ordre de 10-12 % ».

 

La disponibilité des bouteilles en verre pose problème


À Saverne, le tableau dressé par Dominique Baudendistel, PDG de la brasserie Licorne (groupe Karlsberg), est identique : « Les prix de toutes nos matières premières, du houblon au gaz carbonique, ont augmenté sans exception. Idem pour le carton et les bouteilles en verre dont la disponibilité continue à nous poser problème », relève-t-il. Le renouvellement du contrat de fourniture d’électricité, intervenu l’an passé, s’est par ailleurs soldé par un triplement du prix.

Pour ne pas fragiliser davantage son modèle économique, la brasserie n’avait d’autre choix, assure son PDG, que de négocier une réévaluation conséquente des prix avec la grande distribution et les distributeurs-grossistes en boissons. « L’an dernier, on avait obtenu une hausse d’environ 2 %. Cette année, selon les gammes et les circuits, on demandait des hausses allant de 10 % à 15 %. Au final, après négociations, elles restent comprises entre 8 et 10 % ».

 

Abandon de certaines gammes de bière


Ce revers, explique M. Baudendistel, « a obligé l’entreprise à rogner sur ses marges ainsi qu’à stopper certains produits destinés à l’export, des bières premiers prix et des bières sous marques de distributeur, pour lesquels la répercussion des hausses n’était pas possible ». Le dirigeant reste toutefois optimiste pour l’année en cours : « On mise sur le développement de nos propres marques, la mise en route d’une unité de désalcoolisation et une nouvelle ligne d’enfûtage pour augmenter notre production et ainsi conforter nos résultats ».

 

Consommer local, ça aide


À la tête de l’Association régionale des industries alimentaires (Aria) d’Alsace, Sébastien Muller insiste : « Nous cherchons juste à intégrer les coûts qui nous impactent et qui sont indépendants de notre volonté. L’objectif ce n’est pas de gagner plus, mais de passer la vague. Que les entreprises puissent répercuter les coûts pour continuer à produire en France et préserver les emplois. »

D’après les informations qu’il a recueillies auprès des adhérents de l’Aria, ceux-ci jugent les hausses de tarifs obtenues « globalement acceptables ». De l’ordre de 10 % en moyenne, comme à l’échelle nationale – la perte d’excédent brut d’exploitation, précédemment à ces négociations, était en moyenne de 16 % selon l’Aria. « Le fait que les consommateurs aient une attention pour le consommer local a pu être un argument pour certains acteurs lors de ces négociations », complète Sébastien Muller.

 

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